VIE
DE SAINT JACQUES LE MAJEUR
EN ESPAGNE.
Saint
Jacques, frère de saint Jean, passa en Espagne
en lan du Seigneur 35, au mois
daoût, que lon appelait sextile, un
an cinq mois après la Passion de Notre Seigneur,
et huit mois après le martyre de saint Etienne.
Il se rendit à Jaffa, en Sardaigne, et sans
sy arrêter il débarqua au port de
Carthagène, en Espagne, où il se mit à
prêcher. Conduit par lEsprit-Saint il prit
chemin sur Grenade.
Saint
Jacques avait, tout comme saint Jean, la même
parenté avec la Vierge Marie.
Il avait pour Elle une intime dévotion et un
profond respect. De plus, il avait un cur
si intrépide et si généreux, quil
sexposait à toute sorte de peines et de
dangers avec un courage invincible. Cest
pourquoi il fût le
premier
de tous les Apôtres qui sortit de Jérusalem
pour aller prêcher la Foi, et qui
souffrit le martyre
de retour à Jérusalem. Pendant ses voyages et
ses prédications il fut véritablement un foudre
comme enfant du tonnerre, car il reçut ce
prodigieux nom quand il fut appelé à
lApostolat.
Dans
sa prédication en Espagne, il rencontra des
difficultés et des persécutions incroyables,
que le démon lui suscita par le moyen des Juifs
incrédules. La grande Reine du Ciel prit un soin
tout particulier de saint Jacques, et par le
ministère des Anges, elle le garantit et le
délivra de plusieurs grands périls, elle le
consola et le fortifia plusieurs fois, soit en
lui procurant la visite des Esprits célestes,
soit en lui transmettant des avis très
importants. Notre Seigneur Jésus-Christ même
lui envoya souvent des Anges qui descendaient du
ciel pour défendre son grand Apôtre, pour le
porter dun lieu à un autre, et pour le
conduire dans ses voyages et dans sa mission.
Pendant
quil demeura en Espagne, entre les faveurs
quil reçut de lAuguste Marie, il y
en eut deux fort signalées ; Car cette
grande Reine vint en personne le visiter et le
défendre dans les périls et dans les
tribulations où il était. Lune de ces
apparitions, de la bienheureuse Vierge, est celle
qil eut à Saragosse, apparition aussi
certaine quelle est célèbre dans le
monde, et quon ne pourrait nier
aujourdhui sans détruire une croyance
pieuse confirmée par de si grands miracles, et
attestée par déclatants témoignages
pendant plus de mille six cents ans. Mais avant
den parler, regardons lautre
apparition(qui fut la première), car bien moins
connue et tenue plus secrète (je
ne sais pas pourquoi !).
Elle eut lieu à Grenade : Les Juifs avaient
établi quelques synagogues dans cette ville à
lépoque à laquelle ils avaient passé de
Palestine en Espagne, où ils demeuraient à
cause de la fertilité du pays et de la
proximité des ports de la mer méditerranée,
qui leur facilitai le commerce avec leurs
compatriotes de Jérusalem. Lorsque saint Jacques
arriva à Grenade pour y prêcher, ils avaient
déjà appris ce qui sétait passé à
Jérusalem à légard de notre Rédempteur
Jésus-Christ. Ils connurent par le moyen du
démon, de ne point recevoir sa Doctrine, et
quils sopposassent à la prédication
de Jacques parmi les Gentils, leur faisant
entendre quelle était contraire aux
coutumes Judaïques et à Moïse ; et que si
les Gentils adoptaient cette nouvelle loi, ils
détruiraient entièrement le Judaïsme. Grâce
à cet artifice diabolique, les Juifs
empêchaient que la Foi de Jésus ne fût
embrassée des Gentils, qui savaient que notre
adorable Seigneur était Juif ; et voyant
que ceux de sa nation et de sa loi le
méprisaient comme un imposteur, ils ne se
décidaient pas si facilement dans les
commencements de lEglise, à recevoir sa
Doctrine.
Notre
Saint Apôtre, à peine eut-il commencé à
prêcher que les Juifs lattaquèrent, le
faisant passer pour un vagabond, pour un menteur,
pour un auteur de fausses sectes (cest
surprenant, on nen pense pas moins
aujourdhui ! (ndlr))
et pour un magicien. Saint Jacques avait avec lui
douze disciples à limitation de son divin
Maître. Et comme ils continuaient tous à
prêcher, la haine des Juifs et de leurs
partisans ne fit que saccroître, de sorte
quils entreprirent de sen
défaire : et en effet ils firent aussitôt
mourir un des disciples de saint Jacques qui
sopposait aux Juifs avec un très grand
zèle. Mais comme le saint Apôtre et ses
disciples, bien loin de craindre la mort,
désiraient la subir pour le nom de
Jésus-Christ, ils continuèrent avec un nouveau
courage la prédication de sa sainte Foi. Ils
sy livrèrent un certain temps pendant
lequel un grand nombre dinfidèles de cette
ville et de la contrée furent convertis. Les
Juifs en eurent une extrême colère, et
redoublèrent de fureur contre le saint Apôtre
et ses disciples. Ils les prirent tous, et les
destinant à la mort, ils les enchaînèrent et
les menèrent hors de la ville, dans un endroit
où ils leur lièrent les pieds de peur
quils ne séchappent, car ils les
regardaient comme des enchanteurs. Tandis
quon se préparait à les égorger tous, le
saint Apôtre ne cessait dinvoquer le
secours du Très-Haut et de sa Mère
laVierge Marie ; et sadressant à elle
il lui dit : " Auguste
Marie, Mère de mon Seigneur et Rédempteur
Jésus-Christ, protégez maintenant votre humble
serviteur. Priez, Mère très douce et très
compatissante, pour moi et pour ces Fidèles qui
professent la sainte Foi. Et si cest la
volonté du Très-Haut que nous mourions ici pour
la gloire de son saint Nom, suppliez-Le, Vierge Sainte,
de recevoir mon âme en sa divine Présence.
Souvenez-vous de moi, Mère très clémente, et
bénissez-moi au nom de Celui qui vous a choisie
entre toutes les créatures. Recevez le sacrifice
de la douleur que jai dêtre privé
du bonheur de vous voir à cette heure, si elle
doit être la dernière de ma vie. O Marie !
O Marie ! "
Notre
Auguste Reine entendit toute sa prière de son
Oratoire du Cénacle, doù elle regardait
dune vision très particulière tout ce qui
se passait à légard de son bien aimé
Apôtre Jacques. A cette vue, elle sentit ses
entrailles maternelles sémouvoir
dune tendre compassion pour ce fidèle
serviteur qui linvoquait dans la
tribulation. Sa douleur était dautant plus
vive quelle en était plus
éloignée ; mais sachant que rien
nétait difficile au pouvoir divin, elle se
laissa aller au désir dassister son
Apôtre dans son affliction. Et comme elle savait
aussi quil devait être le premier à
donner sa vie et son sang pour son très saint
Fils, cette compassion augmenta encore dans le
cur de la plus bénigne des Mères
Mais son adorable Fils, qui était attentif à
tous les désirs dune telle Mère, parce
quils étaient saints, justes et pleins de
charité, ordonna aux mille Anges qui
lassistaient daccomplir à
linstant le souhait de leur Reine.
Ils
se montrèrent tous à elle sous une forme
humaine, et lui dirent ce que le Très-Haut leur
ordonnait ; et layant reçue sur un
trône formé dune nuée toute brillante,
ils la portèrent aussitôt en Espagne, à
lendroit où saint Jacques et ses disciples
se trouvaient enchaînés. Les ennemis qui les
avaient pris avaient déjà le coutelas à la
main pour les égorger tous. Il ny eut que
le seul Apôtre qui vit la Reine du Ciel dans la
nuée doù elle lui parla, lui disant avec
une douceur céleste : " Jacques,
mon fils, et le bien aimé de mon Seigneur
Jésus-Christ, ayez bon courage, et soyez
éternellement béni de Celui qui vous a créé
et appelé à sa divine Lumière. Allons,
serviteur fidèle du Très-Haut, levez-vous et
soyez libre de vos chaînes. "
LApôtre sétait prosterné devant la
bienheureuse Marie le mieux quil avait pu,
étant si fort lié par tout le corps. Mais à la
voix de notre puissante Reine, ses chaînes et
celles de ses disciples se brisèrent
incontinent, de sorte quils se trouvèrent
libres. Quant aux Juifs qui avaient les armes à
la main, ils tombèrent tous par terre, où ils
restèrent pendant quelques heures sans aucun
sentiment. Les démons qui les assistaient et qui
les provoquaient furent précipités dans
labîme ; et ainsi saint Jacques et
ses disciples purent librement rendre des actions
de grâces au Tout-Puissant pour un si grand
bienfait. LApôtre témoigna
particulièrement sa reconnaissance à la divine
Mère avec une humilité et une joie
incomparables. Et quoique les disciples du saint
ne vissent point lAuguste Vierge ni les
Anges, ils nen connurent pas moins le
miracle par lévénement. Dailleurs
lApôtre leur donna les détails
convenables pour les affermir dans la Foi, dans
lEspérance et dans la Dévotion envers la
Très Pure Marie.
Ce
rare bienfait de notre Reine fut encore plus
grand ; car non seulement elle préserva
saint Jacques de la mort, afin que toute
lEspagne jouit de sa prédication et de sa
doctrine ; mais elle prescrivit encore à
cent de ses Anges de laccompagner dans tous
ses voyages, de le conduire dun lieu à un
autre, de le défendre partout, aussi bien que
ses disciples, des périls qui se
présenteraient, et de le mener à Saragosse
après avoir parcouru tout le reste de
lEspagne. Les cent Anges exécutèrent tout
cela comme leur Reine le leur avait ordonné, et
les autres la ramenèrent à Jérusalem.
De
là saint Jacques prêcha en Andalousie, puis
ensuite à Tolède, et il passa au Portugal et en
Galice, et par Astorga ; et après avoir
parcouru diverses localités, il arriva dans la
province de Rioja, et se rendit par Lograno à
Tudèle et à Saragosse ; où il arriva la
seconde apparition ! Dans tout ce voyage, saint
Jacques laissa de ses disciples pour Évêques
dans plusieurs villes dEspagne, afin
quils y établissent la Foi et le culte
divin. Les Miracles quil fit dans ce
royaume furent si nombreux et si prodigieux, que
ceux dont on a connaissance ne doivent point
paraître incroyables, car il y en a bien plus
quon ignore. Le fruit de sa prédication
fut immense, eu égard au peu de temps quil
demeura en Espagne, et ça été une
méprise de dire ou de penser quil ait
converti fort peu de personnes ; Car il
établit la Foi dans tous les endroits où il
passa.
Saint Jacques le
Majeur.
NOTRE-DAME à SARAGOSSE
Notre
Seigneur apparut à Notre-Dame et lui demanda de
visiter saint Jacques en
Espagne, à Saragosse, où il prêche mon saint
Nom. Vous lui ordonnerez de revenir à
Jérusalem ; et de faire construire, avant
de quitter Saragosse, en votre honneur et sous
votre vocable ! Un temple où vous soyez
révérée et invoquée, pour le bien de ce
royaume, pour ma gloire et mon bon plaisir, pour
la gloire et le bon plaisir de notre Bienheureuse
Trinité. Notre grande Reine
reçut cette mission avec une joie toute nouvelle
et Lui répondit : que
votre sainte volonté soit accomplie en votre
servante et votre Mère
Les
Anges formèrent un Trône dune nuée très
lumineuse, et y élevèrent lauguste
Vierge
et ainsi elle fût portée par les
Séraphins et accompagnée par les mille Anges de
sa garde et dautres que le Seigneur lui
avait laissés, à Saragosse, en corps et en
âme
Le
très heureux Apôtre saint Jacques était avec
ses disciples hors de la ville, tout contre la
muraille qui longe les bords de lEbre, où
il se tenait un peu écarté de leur compagnie
pour faire oraison. Parmi les disciples, les uns
dormaient, et les autres priaient à
lexemple de leur Maître.
La
procession des Anges se tenait à une certaine
distance avec la musique, pour ne pas les
surprendre ; de sorte quelle put être
entendue de loin, et par tous. Ceux qui dormaient
se réveillèrent, et tous furent pénétrés
dune vive consolation intérieure (car ils
pensaient justement à leur sort) et transportés
dune admiration qui les jeta hors
deux-mêmes, leur ôta presque la parole,
et leur fit verser dabondantes larmes de
joie. Ils aperçurent en lair une lumière
éclatante qui surpassait celle du soleil
ne remplissant quun espace déterminé,
comme un grand globe
à cette vue, ils
restèrent immobiles jusquà ce que leur
maître les appela. Par ces merveilleux effets
quIl leur faisait sentir, le Seigneur
voulait les préparer et les rendre attentifs à
ce qui leur serait découvert de ce grand
mystère. Les saints Anges placèrent le trône
de leur Reine sous les yeux de lApôtre,
qui, absorbé dans la plus sublime oraison,
entendait la musique et apercevait la lumière
mieux que les disciples. Les Anges portaient une
petite colonne de marbre, et dune autre
matière différente ils avaient fait une statue,
qui nétait pas fort grande, de la Reine du
Ciel ; ils la portaient avec beaucoup de
vénération
La
grande Reine de lunivers étant sur ce
trône admirable et environnée des churs
des Anges, quelle surpassait et en lumière
et en beauté, se manifesta à saint Jacques, qui
se prosterna aussitôt devant la Mère de son
Créateur et Rédempteur ; Il vit aussi la
statue et la colonne ou le pilier
entre les mains de quelques
Anges. La charitable Reine lui donna la
bénédiction au nom de son très-saint Fils, et
lui dit : " Jacques,
serviteur du Très-Haut, soyez béni de sa
droite, et rempli de la joie de sa divine
face. " Tous les
Anges répondirent : Ainsi soit-il.
Notre Dame poursuivant son
discours ajouta : " Mon
fils Jacques, le Tout-Puissant a choisi ce lieu,
afin que vous Lui consacriez en y construisant un
temple que vous Lui dédierez, et où Il veut que
sous le titre de mon Nom, le Sien soit exalté,
que les trésors de sa divine droite et de ses
anciennes miséricordes soient abondamment
communiquées à tous les Fidèles ; et
quils les reçoivent par mon intercession,
sils les demandent avec une vive foi et
avec une véritable dévotion. Je leur promets,
au nom du Très-Haut, de grandes faveurs, de
douces bénédictions, et ma puissante
protection ; car ce temple sera ma maison et
mon propre héritage. Et en garantie de cette
vérité et de cette promesse, ma propre image y
sera placée sur cette colonne ; et elle
demeurera aussi bien que la sainte Foi
jusquà la fin du monde dans le temple que
vous construirez. Vous commencerez au plus tôt
cette maison du Seigneur ; Et après que
vous Lui aurez rendu ce service, vous partirez
pour Jérusalem, où mon très-saint Fils veut
que vous Lui offriez le sacrifice de votre vie
dans le même lieu où Il a donné la sienne pour
la Rédemption du genre humain ".
Quand
notre grande Reine eut achevé ces paroles, elle
ordonna aux Anges de mettre la sainte statue sur
la colonne et de la placer à lendroit
même elle se trouve aujourdhui, ce
quils exécutèrent dans un instant.
Aussitôt que la colonne fut érigée, et que
limage sacrée y fut posée, les mêmes
Anges et le saint Apôtre reconnurent ce lieu
pour la maison de Dieu, la porte du Ciel, et une
terre sainte et consacrée en un temple pour la
gloire du Très-Haut, et pour linvocation
de sa bienheureuse Mère. En foi de quoi ils y
offrirent leurs adorations à la Divinité. Saint
Jacques se prosterna, et les Anges par de
nouveaux cantiques célébrèrent les premiers
avec le même Apôtre la nouvelle dédicace du
premier temple qui eût été construit dans le
monde sous le vocable de la grande Reine du Ciel
et de la Terre après la Rédemption du genre
humain.
Telle
fut lheureuse origine du sanctuaire de Notre-Dame
du Pilier de Saragosse,
que lon appelle avec raison Chambre
Angélique, propre
maison de Dieu et de sa très pure Mère,
digne de la vénération de tout lunivers,
et caution assurée des faveurs du Ciel, si nos
péchés ne nous en rendent indignes
saint
Jacques vit ici par les yeux corporels la
véritable échelle du Ciel
et sur
lappui de cette véritable colonne sacrée,
furent établis le Temple de la Foi et le culte
du Très-Haut jusquà la fin du
monde ; et les Anges montent et descendent
le long de cette échelle du Ciel avec les
prières des Fidèles et avec les faveurs
incomparables que distribue notre grande Reine à
ceux qui linvoquent et lhonorent dans
ce lieu avec une sincère dévotion.
Notre
Apôtre rendit de très humbles actions de
grâces à la bienheureuse Marie, et la pria de
protéger dune manière spéciale ce
royaume dEspagne, et surtout ce lieu
consacré à sa dévotion et à son nom. La
divine Mère lui promit de le faire, et lui ayant
donné de nouveau sa bénédiction, les Anges la
ramenèrent à Jérusalem dans le même ordre
quils lavaient portée à Saragosse.
A sa prière, le Très-Haut ordonna quun
Ange demeurât dans ce sanctuaire pour le
défendre, et depuis ce jour-là il remplit ce
ministère, et le remplira tant quy
subsisteront limage sacrée et la colonne.
De là le prodige que tous les Fidèles
reconnaissent : cest que ce sanctuaire
sest maintenu inébranlable, intact depuis
plus de mille six cents ans
Mais
ladoration des Catholiques serait encore
plus grande sils connaissaient en détail
les moyens et les sacrifices que les enfers
conjurés ont inventés à diverses époques pour
détruire ce sanctuaire par la main de tous ces
infidèles et de toutes ces nations. Il suffit de
dire pour mieux comprendre encore que, Lucifer
sest servi très souvent de tous ces
ennemis de Dieu pour essayer de renverser ce
sanctuaire, et que le saint Ange qui le garde a
toujours déjoué tous leurs efforts.
Deux
choses ont été découvertes à Marie
dAgreda :
Lune
est que les promesses dont elle vient de
parler, tant de notre Sauveur
Jésus-Christ que de sa très sainte
Mère, de garder ce temple,
quoiquelles semblent être
absolues, renferment néanmoins une
condition implicite, comme beaucoup
dautres promesses de
lEcriture Sainte qui
sappliquent à des bienfaits
particuliers de la divine Grâce. Cette
condition est que nous agissions de notre
côté de manière à ne point obliger le
Seigneur de nous priver de la faveur et
de la miséricorde quIl nous
promet. Et comme Dieu réserve dans le
secret de sa Justice le poids des
péchés qui peuvent ly obliger, Il
se dispense de stipuler expressément
cette condition. Dailleurs, nous
sommes assez avertis par sa sainte
Église que Ses promesses et Ses faveurs
ne nous sont point faites pour que nous
nous en servions contre le Seigneur
Lui-même, et que nous loffensions
en comptant sur sa libérale
miséricorde, puisque rien nest si
capable de nous en rendre indignes que
cette ingratitude.
La seconde,
qui nest pas moins digne de
considération, est que, comme Lucifer et
ses démons connaissent ces vérités et
ces promesses du Seigneur, ils ont
tâché et tâchent toujours par leur
malice infernale dintroduire de
plus grands vices parmi les habitants de
cette illustre ville, et surtout des
vices qui peuvent le plus offenser la
pureté de la Bienheureuse Vierge. Ainsi,
il emploie plus de ruses dans cette ville
privilégiée que dans les autres. Dans
cette conduite, lantique serpent
tend à un double but également
exécrable. Dune part, il veut
porter les Fidèles qui habitent cette
ville à offenser Dieu, et à Le forcer
par leurs offenses de ne leur plus
conserver ce sanctuaire, et par-là
Lucifer obtiendrait ce quil
na pas obtenu par tant
dautres moyens dont il sest
servi. Dautre part, il veut,
sil échoue dans cette première
tentative, faire en sorte au moins
dempêcher les âmes de vénérer
ce saint Temple, et de recevoir les
grands bienfaits que la très-pure Marie
a promis dy accorder à ceux qui
les demanderaient dignement. Lucifer et
ses démons savent très bien que les
habitants de Saragosse ont envers leur
Reine du Ciel des obligations plus
étroites que beaucoup dautres
villes et provinces de la Chrétienté ,
parce quils ont dans
lenceinte de leurs murs la source
des faveurs que les autres y vont
chercher, et que si nonobstant la
possession dun si grand trésor ils
deviennent plus vicieux, et méprisent un
témoignage de clémence et de bonté
quils ne sauraient avoir mérité,
cette ingratitude envers Dieu et envers
sa très-sainte Mère leur attirera une
plus grande indignation et un plus
rigoureux châtiment de la justice
divine.
Marie
dAgreda, avoue à tous ceux qui liront
cette histoire quelle est heureuse de
lécrire à deux journées seulement de
Saragosse, et quelle regarde ce sanctuaire
avec une tendre dévotion, à cause de ce que
tout le monde comprendra quelle doit à la
grande Reine de lunivers. Elle voudrait
nous rappeler de vive voix la dévotion profonde
et cordiale que nous devons avoir envers
lauguste Marie, et les faveurs que nous
pouvons, soit obtenir par cette dévotion, soit
démériter par notre négligence et notre
inattention
Après
cette apparition de la bienheureuse Vierge, saint
Jacques appela ses disciples qui, sans avoir vu
ni entendu autre chose que la lumière et la
musique céleste, en étaient encore tout
émerveillés. Leur charitable maître les
informa de ce quil convenait quils
sussent, afin quils laidassent à
bâtir le monument sacré auquel il se mit à
travailler activement. Et avant de quitter
Saragosse, il acheva la petite chapelle où se
trouvent la sainte Image et la colonne. Dans la
suite des temps les Catholiques ont construits le
magnifique temple et les édifices accessoires
qui entourent ce sanctuaire si célèbre
Cette
apparition miraculeuse de la bienheureuse Marie
dans Saragosse eut lieu au commencement de
lan quarante de la naissance de son Fils,
notre Sauveur, dans la nuit qui suivit le 2
janvier. Saint Jacques, après sa construction,
sen retourna à Jérusalem où il mourut
Martyr le 25 mars de lan 41. Lorsque la
Vierge Marie lui apparut à Saragosse, Elle avait
cinquante quatre ans. De sorte que le Temple lui
fut dédié plusieurs années avant sa glorieuse
mort, soit 70 ans.
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