INSTRUCTIONS
DE LA REINE DU CIEL |
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AVANT PROPOS.
La Prière et lAumône
sont des clefs qui ouvrent les trésors du Roi
Tout-Puissant,
et attirent les richesses sur ceux qui linvoquent.
Dieu regarde toujours
favorablement les humbles qui habitent la terre.
La prière persévérante est
bonne et lhumble confiance Lui est agréable, parce
quIl est près de ceux qui linvoquent avec
une foi vive et une ferme espérance, et qui attendent
avec patience et avec résignation les effets de sa
miséricorde. SIl tarde daccomplir
quelquefois les souhaits et les prières des justes, et
sil semble ne pas vouloir leur accorder ce
quils demandent, ce nest que pour les
disposer à lobtenir de sa bonté beaucoup plus
avantageusement.
Cette instruction a pour but de
régler notre vie sur le très pur miroir de la vie de
Marie.
Mais écoutons ce quelle-même nous assure par cet
emploi :
Je veux que les mystères de ma
très-sainte vie vous soient une occasion de cueillir
pour vous-même le fruit que vous désirez ; et que
le prix de vos travaux soit la plus grande pureté et
perfection de votre vie, si vous vous disposez, aidé de
la grâce du Très-haut, à mimiter par la pratique
des choses que vous entendrez.
Cest la volonté de mon Très-Saint Fils que vous
soyez pénétré de ce que je vous enseignerai.
Écoutez-moi donc avec attention et avec foi,
car je vais vous dire des paroles de vie éternelle, et
vous enseigner ce quil y a de plus saint et de plus
parfait dans la vie chrétienne, et ce qui est le plus
agréable aux yeux de Dieu.
MANIERE DE BIEN CONSERVER LES
BIENFAITS DE DIEU.
Le
Plus juste moyen que vous ayez pour conserver les
bienfaits de la grâce reçue, est dagir pour cette
fin. On connaît dans cet état la fragilité de la
nature humaine, et son libre arbitre pour le bien et le
mal. Le Très-Haut nôtant à personne cette
connaissance dans cette vie passagère, afin que par
cette vue la sainte crainte de tomber dans le moindre
petit péché senracine davantage. Une petite faute
dispose à une plus grande, et la seconde est un
châtiment de la première.
Votre
application est de vous confier à sa bonté et à son
amour pour ne point loffenser. De là résultent
deux effets nécessaires à la vie chrétienne, lun
qui procure la tranquillité à notre âme, et
lautre qui nous maintient dans la crainte de perdre
ce trésor, et dans la vigilance pour le conserver. Ces
deux effets damour et de crainte font en votre âme
un accord divin, qui règle toutes vos actions pour vous
éloigner du mal et vous unir au souverain bien.
Les
bienfaits qui descendent du Père des lumières ont cette
propriété dassurer en humiliant, et
dhumilier sans faire perdre
lespérance ; de mêler la confiance avec les
applications et les soins, et ceux-ci avec la
tranquillité et la paix, de telle sorte quil ne se
trouve dans ces affections aucun obstacle qui puisse
empêcher daccomplissement de la divine volonté.
Et vous, âmes favorisées, offrez au Seigneur de
ferventes et humbles actions de grâces, pour avoir été
si libéral à votre égard lorsque vous le méritiez si
peu.
Excédez
davantage en amour, vous élevant au-dessus de tout ce
qui est terrestre et au-dessus de vous-même. Tâchez de
vous dépouiller maintenant de toutes les affections
désordonnées quune crainte excessive pourrait
émouvoir en vous ; abandonnez votre cause au
Seigneur, et prenez la sienne pour la vôtre. Craignez
jusquà ce que vous soyez purifiés et nettoyés de
vos péchés et de vos ignorances ; aimez le
Seigneur jusquà ce que vous soyez tout
transformés en lui, faites-le maître de tout et
larbitre de vos actions, sans que vous le soyez de
personne. Défiez-vous de votre propre jugement, et ne
faites point le sage avec vous-même, parce que les
passions aveuglent facilement le propre sentiment,
lentraînent après elles, et ce sentiment, de
concert avec les passions, ravit la volonté ; de
façon que lon craint ce quon ne devrait pas
craindre, et quon a de vaines complaisances pour ce
qui est préjudiciable. Assurez-vous de telle sorte que
vous ne vous complaisiez point en vous-même par de
légères et vaines satisfactions ; doutez et
craignez jusquà ce que par une tranquillité
soigneuse et agissante vous ayez trouvé le juste
équilibre de toutes choses ; et vous le trouverez
toujours si vous vous soumettez à lobéissance de
vos supérieurs et à ce que le Très-Haut vous
enseignera et opèrera en vous.
Appliquez-vous
donc en toutes choses à ce qui est le plus saint et le
plus parfait.
LA LUMIERE DE LA GRACE.
Pour ne point recevoir en vain la
lumière de la grâce, tâchez de profiter de tout ce qui
a été écrit, et principalement dans les Évangiles.
Quoique vous ayez été conçus dans le péché, et soyez
sortis de la terre avec des inclinations terrestres, vous
ne devez pas perdre courage en combattant vos passions
jusquà ce que vous les ayez tout à fait vaincues,
et détruit vos ennemis en elles. Vous pouvez vous
élever au-dessus de vous-même et devenir fils du ciel,
doù la grâce descend. Pour cela vous ne devez
plus vivre que dans la sainteté la plus relevée,
occupé à la connaissance des perfections de Dieu et
pour arriver à cet étroit lien damitié avec le
Seigneur.
Pour ne point mettre aucun
empêchement à sa sainte Volonté, travaillez à
mortifier la partie inférieure de lâme où
résident les inclinations perverses et les passions
sinistres. Mourez à tout ce qui appartient à la terre,
sacrifiez en la présence du Très-Haut tous vos
appétits sensuels, sans vous prêter à aucun. Que votre
volonté nagisse que par obéissance, et
gardez-vous de bien sortir de votre intérieur, et
laissez-vous orner selon ce que la droite du
Tout-Puissant a destiné de faire, sans y concourir de
votre part et sans y porter aucun obstacle.
Purifiez votre âme par plusieurs
actes de douleur de lavoir offensé, et
glorifiez-le avec un très ardent amour. Cherchez-le avec
de perpétuelles inquiétudes, jusquà ce vous
trouviez Celui que votre âme désire, et de ne jamais le
perdre layant trouvé. Vivez dans cette vie
passagère comme ceux qui lont achevée, attachant
toutes vos vues sans discontinuer à lobjet qui les
rend bienheureux. Que cet objet soit votre règle de vie,
afin que par la lumière de la foi et de la clarté du
Tout-Puissant, vous laimiez, ladoriez et
lhonoriez toujours.
Voilà ce que le Très-Haut
demande de vous. Faites de sérieuses réflexions sur ce
que vous pouvez acquérir et sur ce que vous devez
perdre. Ne mettez point par votre négligence la chose au
hasard, mais soumettez votre volonté, et réduisez-vous
entièrement à la doctrine de Jésus, à celle de la
Vierge Marie et à celle de lobéissance, que vous
devez consulter en toutes choses.
Telle est linstruction de la
Mère de Dieu.
BIEN COMMENCER LE JOUR.
La
divine Justice ferma le ciel aux mortels à cause du
premier péché, jusquà ce que Notre-Seigneur
Jésus-Christ louvrit en satisfaisant par sa vie et
par sa mort surabondamment pour les hommes.
Voici
que pour être disciple et associé, tout pauvre, inutile
et faible que vous êtes, vous devez vous efforcer
dimiter votre Reine du Ciel, dans un exercice a
pratiqué toute votre vie, sans jamais lomettre
pour quelques occupations, quelques soins et quelques
travaux que vous ayez. Cet exercice est quau
commencement de chaque jour vous vous prosterniez en la
présence du Très-Haut, vous lui rendiez des actions de
grâces, et le louiez pour son être immuable, pour ses
perfections infinies et pour vous avoir tiré du néant.
Et, vous reconnaissant créature et ouvrage de ses mains,
vous le bénissiez, ladoriez, lui donnant
lhonneur, la gloire et la divinité, comme à votre
souverain Seigneur et créateur de tout ce qui a
lêtre. Élevez votre esprit pour labandonner
entièrement entre ses mains, et offrez-vous en elles à
sa divine Majesté avec une profonde humilité et une
parfaite résignation ; priez-le de disposer de vous
pendant ce jour et pendant tous ceux qui vous restent à
vivre, selon sa sainte volonté, et quil vous
enseigne ce qui lui serait le plus agréable, afin de
laccomplir avec exactitude. Réitérez plusieurs
fois tout cela dans vos occupations extérieures de ce
jour, lui demandant son conseil, sa permission et sa
bénédiction pour toutes vos actions.
Vous
devez imiter avec ponctualité cette instruction, sans y
manquer dès à présent, quoi quil puisse arriver.
Et si comme faible vous vous négligez, revenez
incontinent à vous, et avouez votre faute en la
présence du Seigneur en celle de la Vierge Marie, la
reconnaissant avec douleur. Par ce soin vous éviterez
les imperfections et pratiquerez les vertus, pourvu que
vous donniez toutes vos attentions à sa lumière et à
lobjet le plus agréable, qui est celui de vos
affections et de celles de Marie : attentions qui
consistent à bien ouïr la voix de Notre-Seigneur, à le
servir, et à vous soumettre à ses divines volontés,
qui demande de vous ce qui est le plus pur, le plus saint
et le plus parfait, et une intention prompte et fervent
pour lexécuter.
Agissant
ainsi vous serez fort dévot au très doux nom de la
Vierge Immaculée.
REGLES DE VIE.
Prenez bien soin de mesurer la
nourriture et le sommeil avec toute la discrétion
requise, nen recevant que ce qui est précis et
nécessaire à laccroissement, et pour la
conservation de la santé et de la vie ; parce que
lexcès de ces choses nest pas seulement
contraire à la vertu, mais il est aussi ennemi de la
nature, qui en est altérée et détruite.
Souffrez toutes les incommodités
qui arrivent durant toute votre vie, avec résignation et
avec joie, pesant dans votre cur et dans votre
entendement les vérités infaillibles, afin que vous
fassiez le discernement et le jugement solide en toutes
choses, et que vous donniez à chacune son juste prix,
sans quil sy trouve aucune tromperie ni
injustice.
Si les créatures qui sont
dépourvues de raison manquent à vous secourir dans vos
nécessités, réjouissez-vous en au Seigneur et rendez
grâces à sa Majesté ; bénissez-les de ce
quelles obéissent au Seigneur.
Si les créatures raisonnables
vous persécutent, aimez-les de tout votre cur, les
regardant comme les instruments de la justice divine,
afin quelle se satisfasse en quelque chose que vous
lui devez. Soyez persuadé que la miséricorde infinie se
sert bien souvent des afflictions, des adversités et des
tribulations pour vous enflammer davantage à son amour
et pour vous consoler ; car outre que vous les avez
méritées par vos péchés, elles servent
dornement à votre âme, et vous sont comme des
joyaux fort précieux dont Jésus vous enrichit.
Dieu se sent extrêmement offensé
quand on le sert avec négligence. Obéissez avec
humilité à la loi. Le mépris que lon fait des
lois justes et bien ordonnées font perdre la culte et la
crainte de Dieu, confondant et détruisant aussi le
gouvernement humain. Prenez garde de nêtre point
trop facile à la dispense des obligations de votre
religion ni pour vous ni pour les autres. Justifiez
toujours votre conduite devant Dieu et devant les hommes
par la vertu de lobéissance. Si vous êtes
quelquefois fatigué ou que vos forces soient diminuées,
ne relâchez point vos rigueurs, car Dieu vous les
donnera selon votre foi ; nen donnez jamais
dispense à cause des occupations, préférez le plus
essentiel à ce qui lest moins, et le Créateur aux
créatures, puisque dans lobservation des lois,
vous devez être le premier par votre exemple.
Nayez jamais pour vous de considérations humaines,
quoique vous en ayez des autres.
Exigez de vous-même le bien le
plus grand et le plus parfait ; cette sévérité
vous est nécessaire, parce que létroite
observation des préceptes est une dette que lon a
contractée à légard de Dieu et des hommes. Ne
vous flattez donc pas davoir satisfait à ce que
vous devez au Seigneur, sil vous restez redevable
envers votre prochain, auquel vous devez encore le bon
exemple, en évitant de lui donner aucune occasion
dun véritable scandale.
VOIE DE LA SAINTE OBEISSANCE.
La nature humaine est imparfaite,
lâche dans la pratique de la vertu, et fragile à tomber
dans le péché, parce qu'elle a beaucoup de penchant
pour le plaisir et de répugnance pour la peine.
Soyez donc persuadé qu'une
négligence sur une imperfection dispose à une autre ;
que celles-ci ouvrent le chemin aux péchés véniels, et
les véniels aux mortels, et que l'on va d'abîme en
abîme dans le précipice et dans le mépris de toute
sorte de mal. Pour éviter ce malheur, il faut couper la
racine de bonne heure à ces méchantes ronces.
Considérez quelle doit être
votre vigilance parmi tous les dangers, et votre
obligation à vous tenir sur vos gardes pour les éviter.
Faites réflexion que vous êtes religieux, ami de
Jésus-Christ, instruit, éclairé et rempli de tant de
faveurs singulières ; mesurez, par ces titres que vous
devez fort estimer, tous vos soins, puisque vous devez à
chacun le retour, et à votre Seigneur la correspondance.
Tâchez d'être ponctuel à tout
ce qui regarde la Religion, et de n'y trouver rien de
petit ; ne méprisez aucune de ses lois ou coutumes, ne
les oubliez point, observez-les toutes dans la dernière
rigueur, parce que tout ce qui se fait pour plaire à
Dieu est précieux à ses yeux. C'est une de ses
complaisances que de voir accomplir ce qu'il demande, et
quand on le méprise, c'est pour lui un sujet de
courroux. Considérez en toutes choses que vous avez un
Ami (Jésus) à
qui vous devez plaire, un Dieu que vous devez servir, un
Père à qui vous devez obéir, un Juge que vous devez
craindre, et une Maîtresse que vous devez imiter et
suivre.
Pour remplir tous ces devoirs, il
faut que vous renouveliez en vous une résolution forte
et efficace de résister à vos inclinations, de ne vous
laisser point abattre à votre lâcheté naturelle, et de
n'omettre aucune cérémonie de votre religion, quelque
répugnance que vous y avez. Pratiquez tout ce qu'il y a
de grand et apparemment de petit dans votre état avec
ferveur et avec constance, et vous vous rendrez agréable
aux yeux de Jésus-Christ et aux yeux de la Vierge Marie.
Demandez conseil à votre Confesseur
et à votre Directeur spirituel
dans les uvres de surérogation, ayant auparavant
prié Dieu de les éclairer. Soyez dépouillé de toute
sorte d'attachement et d'amour propre ; gravez dans votre
cur tout ce qu'ils détermineront, et exécutez-le
avec ponctualité ; n'entreprenez jamais aucune chose,
pour sainte qu'elle vous paraisse, sans les consulter
autant qu'il vous sera possible, parce que Dieu vous
découvrira toujours sa volonté par la voie de la sainte
obéissance.
INVOCATION DES ANGES.
Reconnaissez par des louanges
éternelles et par de continuelles actions de grâce la
faveur que Dieu vous a faite en vous donnant des Anges
pour vous assister, vous enseigner et vous conduire dans
vos tribulations et dans vos peines.
N'oubliez jamais ce bienfait par
une noire ingratitude et par une très lourde
grossièreté, sans faire réflexion que le Très-Haut a
ordonné ces princes célestes d'assister, de garder et
de défendre les créatures terrestres. Par cet oubli
vous vous priveriez de plusieurs faveurs que vous en
recevriez, et provoqueriez l'indignation du Seigneur.
Donnez donc à Dieu ce juste et fervent retour.
Portez, en toutes sortes de temps
et de lieux, un amour plein de respect et de
reconnaissance à ces esprits célestes, comme si vous
les voyiez de vos yeux corporels et, vivez dans cette
modestie et circonspection qu'exige la présence de ses
nobles et saints courtisans ; ne vous hasardez pas de
faire en leur présence ce que vous ne voudriez pas faire
en public et imitez-les autant qu'il vous sera possible
dans le service du Seigneur.
N'oubliez pas qu'ils voient
toujours la face de Dieu, et, lorsqu'ils vous regardent
aussi, il n'est pas juste qu'ils y aperçoivent rien
d'indécent. Remerciez-les de ce qu'ils vous regardent,
vous défendent et vous protègent.
Soyez attentif à leurs
inspirations et à leurs avis, par lesquels ils vous
meuvent et vous éclairent, pour conduire votre
entendement et votre volonté dans la pratique de toutes
les vertus par le souvenir du Très-Haut. N'oubliez pas
les grandes obligations que vous avez à Dieu de vous
avoir si souvent favorisé par ses Anges. Enfin, tâchez
donc d'être reconnaissant à votre Seigneur et aux Anges
ses ministres.
GARDER LE SILENCE.
Celui qui reçoit le plus, doit
s'estimer le plus pauvre, parce que ses dettes sont plus
grandes.
Estimez comme un grand trésor la
vertu du silence, vous proposant de l'avoir pour votre
fidèle compagne et pour votre bonne amie durant toute
votre vie. Les paroles démesurées et indiscrètes sont
des couteaux à deux tranchants, qui blessent celui qui
parle aussi que celui qui écoute, et l'un et l'autre
détruisent la charité ou pour le moins l'empêchent, et
servent aussi d'obstacles à toutes les vertus.
Dieu est offensé par le vice de
la langue effrénée et inconsidérée, où dans la
multitude des paroles il n'est pas possible d'éviter de
très grands péchés. On peut seulement parler avec
sûreté à Dieu et à ses saints. Mais avec les
créatures il fort difficile de conserver la perfection.
Vous ne pouvez aller à la
recherche des conversations volontaires des créatures
sans tourner le dos à Dieu et sans le chasser de votre
intérieur ; c'est pourquoi gardez-vous bien de pratiquer
envers votre Seigneur, et le Seigneur de tous, ce que
vous ne feriez pas sans honte et sans une notable marque
d'incivilité avec vos semblables.
Eloignez donc vos oreilles de ces
entretiens trompeurs, qui peuvent porter à dire ce que
vous devez taire ; car il n'est pas juste que vous
parliez plus que ce que vous commande votre Maître et
votre Seigneur.
Distinguez-vous en cette vertu.
Parlez peu, et taisez beaucoup de choses ; gravez cet
avis dans votre cur, et affectionnez-vous toujours
plus à cette vertu.
Point de défense de parler,
lorsqu'il faut reprendre et consoler votre prochain.
Parlez avec ceux qui peuvent vous aider et vous
entretenir de votre Seigneur, et qui vous renouvellent et
vous enflamment en son divin amour.
Oubliez et ensevelissez tout ce
qui est terrestre dans le secret de votre silence, afin
que vous arriviez dans l'état où Jésus vous désire.
ACQUERIR L'AMITIE DE DIEU.
Vous êtes né pour mourir, et,
quoique vous ignoriez le terme de votre vie,
rappelez-vous que ce terme est fort court, que
l'éternité n'a point de fin, et que dans cette
éternité vous recueillerez le fruit des bonnes ou
mauvaises uvres que vous aurez semées dans le
temps.
Excitez-vous à faire tous vos
efforts pour acquérir l'amitié de Dieu qui allume dans
votre âme un flambeau, la dirige à la vertu et la
détourne du péché, à approuver le bien, à condamner
le mal, à éviter le vice. Outre cela, Il l'appelle par
les moyens des Sacrements, de la Foi et des Commandements
; par le ministère des Anges, des confesseurs, des
supérieurs ; par des tribulations, par des morts
funestes, par des événements fâcheux et par tout autre
moyen que sa providence dispose pour l'attirer, et tous
les hommes, à sa divine Majesté, parce qu'Il veut que
vous soyez sauvé.
La rébellion de la partie
sensitive s'élève contre tout cela ; car par ce
malheureux germe du péché qui s'y trouve, elle
s'incline aux objets sensibles, afin qu'après avoir
troublé la raison, ils entraînent la volonté. Le
démon, par ses illusions et par ses fausses et
trompeuses persuasions, obscurcit les puissance de l'âme
et lui cache le mortel poison qui se trouve dans ces
plaisirs passagers. Mais le Très-Haut ne vous abandonne
pas pour cela, ni aucune de ses créatures, au contraire,
il vous renouvelle ses miséricordes, les augmentant et
les multipliant ; et en récompense des victoires que
votre âme a remportées sur elle-même, vos passions
sont affaiblies, aussi bien que la loi du péché, et
alors l'esprit est plus disposé à s'élever aux choses
du Ciel, à réprimer ses mauvaises inclinations, et à
résister au démon.
Mais si vous donnez entrée à
l'ennemi de Dieu et au vôtre en vous abandonnant aux
voluptés, à l'ingratitude et à l'oubli, alors vous
vous éloignez de la bonté divine ; et plus vous vous en
éloignez, plus vous vous rendez indigne et incapable de
recevoir la grâce du Très-Haut.
Souvenez-vous toute votre vie de
cette instruction. Tâchez de résister fortement à vos
ennemis et d'être ponctuel à faire tout ce que le
Seigneur demande de vous ; par ce moyen vous lui serez
agréable et accomplirez sa volonté.
LA SOUFFRANCE.
C'est une grande grâce que de
recevoir des souffrances pour ses péchés.
Faites de grandes réflexions sur
la folie des hommes, enfants d'Adam, qui veulent tous des
consolations et des faveurs sensibles, et n'aiment que ce
qui flatte leur goût dépravé ; ils ne travaillent que
pour s'éloigner du pénible et pour empêcher que la
douleur des travaux ne les touche, sans quoi ils ne
peuvent être bienheureux.
Si le fer fuit la lime, le grain
le moulin, les raisins le pressoir, ils seront tous
inutiles, et l'on ne jouira point de la fin pour laquelle
ils ont été créés. Or comment est-ce que les mortels
se laissent tromper en croyant qu'étant remplis
d'horribles vices et de péchés abominables, ils
puissent être assez purs et assez dignes de jouir de
Dieu, sans passer par la fournaise et par la lime des
travaux ? Malheureusement, les hommes font tout ce qu'ils
peuvent pour se rendre indignes et ennemis de Dieu, et
pour éviter la croix des travaux et des afflictions,
l'unique moyen de la grâce, le prix de la gloire et
surtout l'héritage que Jésus-Christ a choisi pour soi
et pour ses élus, naissant et vivant toujours dans les
travaux, et mourant sur une Croix.
C'est par-là que vous devez
mesurer la valeur des souffrances. Réjouissez-vous et
consolez-vous dans les tribulations, et quand le
Très-Haut daignera vous en envoyer quelqu'une, tâchez
d'aller au-devant pour la recevoir comme une de ses
bénédictions et un gage de son amour et de sa gloire.
Préparez votre cur par le courage et la
détermination, afin que dans l'occasion de souffrir,
vous soyez égal et le même que vous étiez dans la
bien-être et dans vos résolutions ; gardez-vous
d'accomplir avec tristesse ce que vous promettez avec
joie, parce que, aime celui qui est le même en donnant
qu'en offrant.
Si vous voulez être disciple de
Jésus et Marie, entrez dans cette école, où l'on
enseigne que la science de la Croix, et qu'à chercher en
elle le repos et les délices véritables.
L'amour des plaisirs sensibles et
des richesses ne s'accorde point avec cette sagesse.
Aimez la vérité, faites choix de la meilleure part et
souhaitez d'être de ceux qui sont cachés et en oubli
dans le monde.
Si cette doctrine n'eut été la
plus estimable et la plus assurée, Jésus et Marie ne
l'auraient pas enseignée par leurs exemples et par leurs
paroles ; c'est la lumière, qui luit dans les
ténèbres, chérie des élus et rejetée des
réprouvés.
PERDRE DIEU.
Lon apprécie tous les biens
selon lopinion que les hommes en font, et ils les
estiment autant quils les connaissent pour
tels ; mais comme il ny a seulement quun
véritable bien, tous les autres sont apparents et
trompeurs. Ce souverain bien, cest-à-dire Notre
Dieu, doit être le seul estimé et connu. Quand vous Le
goûterez, Le connaîtrez et Lapprécierez sur tout
ce qui est créé, alors vous Lui donnerez et le prix et
lamour quIl mérite.
Cest par ses deux règles
que lon doit mesurer la douleur de lavoir
perdu.
Considérez donc quelle doit être
la douleur de perdre véritablement Dieu par les
péchés. Cette sagesse ne se trouve point dans
lentendement des hommes charnels, puisquils
Lui préfèrent imprudemment le bien apparent, et en sont
inconsolables lorsquils en sont privés, ne se
souciant aucunement de Dieu, parce quils ne
Lont point goûté, ni ne Le connaissent. Hélas,
on perd la charité, et lon y renonce pour le
moindre plaisir ; et la Foi, oisive
et morte, est inutile ; ainsi
vivent les enfants des ténèbres comme sils
navaient que quelque fausse ou douteuse relation de
léternité.
Craignez ce danger ; veillez
et soyez toujours préparé contre les ennemis qui ne
dorment jamais, et sur ce que vous devez faire pour ne
point perdre Notre-Seigneur, le souverain bien que vous
aimez. Il ne faut pas dormir, ni vous négliger parmi des
ennemis invisibles. Et si quelquefois votre Souverain se
cache, attendez-Le avec patience, et cherchez-Le sans
discontinuer, car vous ignorez ses secrets jugements.
Préparez votre huile de la charité pour le temps de
labsence et de la tentation, afin que cette huile
ne manque pas et que vous ne soyez réprouvé comme les
vierges folles.
LE PARDON DES OFFENSES.
Les hommes, aveuglés de la
vanité quils suivent, ne découvrent pas le
trésor que la souffrance et le pardon des injures
renferment. Ils font gloire de la vengeance qui est la
plus grande des bassesses et le plus noir des vices,
parce quelle part dun cur
inhumain : au contraire, celui qui les pardonne et
les oublie, quoiquil nest pas la Foi divine
ni la lumière de lEvangile, devient comme roi de
la même nature.
Considérez que le Fils de Marie,
Notre-Seigneur, mourut et souffrit que pour pardonner, et
quafin que le genre humain obtint le pardon des
injures commises contre le Seigneur. La vengeance
soppose à cette intention, à ses uvres, à
sa propre nature, à sa bonté infinie, et elle détruit
en quelque façon Dieu.
Sachez que Notre-Seigneur
approuvera plus de vous voir souffrir et pardonner les
injures avec un cur tranquille pour son amour, que
si vous faisiez de rudes pénitences et versiez même
votre propre sang. Humiliez-vous envers ceux qui vous
persécutent ; aimez-les et priez pour eux de tout
votre cur. Que quelque personne semporte
contre vous, concevez aucune indignation contre elle,
parce que vous devez connaître très bien quelle
est un instrument du Très Haut, dont sa divine
providence se sert pour votre propre avantage.
Montrez-vous très doux, très
pacifique et très agréable à ceux qui vous seront
importuns, et gardez-vous de prendre vengeance du même
Seigneur en la prenant de ses instruments ; ne
méprisez point la précieuse perle des injures, et
autant quil dépendra de vous, rendez toujours le
bien pour le mal, le bienfait des offenses, lamour
pour la haine, la louange pour les opprobres, la
bénédiction pour les imprécations, et vous serez fils
parfait de votre Père des cieux, de Jésus-Christ et de
la Vierge Marie.
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